A la redécouverte de l'Évangile

Par François-Michel Debroise.

Maria Valtorta (1897-1961) est une mystique catholique italienne. À 37 ans, elle est clouée au lit et y demeure 27 ans, jusqu’à sa mort qui met un terme à ses visions constituant un panorama précis de la vie de Jésus qu’elle décrira en 15 000 pages.

Depuis sa fondation, le Christ renouvelle constamment son Église : d’effusions successives de l’Esprit en conciles, de grands réformateurs en puissantes révélations privées… De tous temps, l’Esprit-Saint nous remémore ce que Jésus nous a légué (cf. Jean XIV, 26) et nous invite à en saisir graduellement toute la portée pour aller plus en profondeur (Catéchisme de l’Église catholique ou CEC, § 66).

Il en est ainsi de l’Évangile. À plusieurs époques, des mystiques eurent la vision des scènes de l’Évangile, la plupart vécurent la Passion de diverses manières. Il en fut ainsi pour Marie d’Ágreda au XVIIe siècle ou d’Anne-Catherine Emmerich au XIXe. Mais aucune n’eut des visions aussi complètes et aussi précises que Maria Valtorta (1897-1961). Dans d’autres cas, les hommes, croyant bien faire, voulurent « perfectionner la perfection[1] » selon le mot de Jésus à Maria Valtorta. Mais en modifiant ainsi ce que le Ciel avait si parfaitement confié aux voyantes, ces hommes ont gravement altéré les révélations primitives. Les visions de Maria
Valtorta sont donc de pure source : c’est là leur valeur, une valeur à préserver.

Qui est Maria Valtorta ? Née le 14 mars 1897 à Caserte (Campanie), près de Naples, en Italie du Sud, Maria Valtorta est une mystique laïque catholique. Fille unique issue d’une famille cultivée mais modeste, elle suit des études secondaires classiques pour une fille de son époque, mais ne poursuit pas au-delà sur injonction de sa mère. Il n’en est pas de même de sa spiritualité qui se développe à la lecture de Thérèse de Lisieux et lui fait entrevoir son chemin d’abandon confiant à l’Amour miséricordieux. En 1920, le jour de son 23e anniversaire, un jeune anarchiste lui brise les reins d’un coup de barre de fer. Elle découvre alors la voie paradoxale de la souffrance aimante qui l’amène au don de sa vie comme hostie. « Ô mon Bien-Aimé, confie-t-elle dans un acte d’offrande, par la croix que je te demande, par la vie que je t’offre, par l’amour auquel j’aspire, fais de moi une heureuse victime de ton Amour miséricordieux [2]. »

Une intime de Jésus. Contrariétés et souffrances s’accumulent alors, pendant que les grâces abondent encore plus. À 37 ans, elle est clouée au lit et y demeure 27 ans, jusqu’à sa mort, alors que tous les médecins la voient condamnée à court terme dès le début. En 1943, elle croit sa mort proche et l’accueille avec sérénité. Son confesseur, frappé de sa grandeur d’âme, lui demande d’écrire sa biographie, ce qu’elle fait en deux mois. C’est alors qu’elle reçoit sa première vision de la vie de Jésus en Palestine, il y a 2000 ans. Ses visions durent jusqu’en 1947, constituant un panorama précis des 1 218 jours de la vie publique de Jésus dont elle décrit un jour sur trois. C’est un descriptif minutieux et vivant complété par des scènes de l’Évangile de l’enfance, de la jeunesse de Marie et des premiers temps de l’Église. Dans le même temps, son intimité avec le Christ la rend dépositaire de leçons pour notre temps[3]. Elle écrit 15 000 pages sur 122 cahiers d’une traite et sans rature, puis les visions qu’elle nous rapporte cessent brutalement, mais l’intimité avec Jésus demeure. Son œuvre complète, tous titres confondus, est diffusée à ce jour à plus de quatre millions de volumes dans le monde entier, dans 27 langues.

Inconnue de son vivant, Maria Valtorta meurt le 12 octobre 1961 à Viareggio, en Toscane, près de Lucques (Italie du Nord) quelques années après la publication, alors anonyme, de ses écrits, il y a 60 ans. Elle est enterrée à Florence dans la basilique de la Santissima Annunziata, haut-lieu des Servites de Marie (elle était membre du tiers-ordre de la congrégation). En avril 2001, ceux-ci demandent l’introduction de sa cause en béatification. Le 15 octobre 2011, la messe du 50e anniversaire de sa mort est présidée à Florence par un ancien nonce apostolique.

Une œuvre en butte aux contradictions. Son œuvre principale finit par être publiée sous le titre de L’Évangile tel qu’il m’a été révélé [4]. Ce titre est repris de la façon familière dont elle désignait ses visions et non pas de l’affirmation anathème d’un nouvel Évangile. Ce livre fut en butte à de nombreuses controverses dont la plus étonnante fut sa mise à l’index [5]. Ce n’est pas en soi une surprise car, à la même époque, le Saint-Office condamnait les révélations de sainte Faustine [6] et « persécutait » Padre Pio selon le mot d’une de ses biographes [7]. La surprise vient plutôt de ce que la mise à l’index frappa une publication encouragée par Pie XII lui-même après la lecture personnelle qu’il en avait faite. Il avait conclu son audience [8] par cet imprimatur, verbal il est vrai, mais attesté par les témoins : « Publiez l’œuvre telle quelle. Il n’y a pas lieu de donner une opinion quant à son origine, qu’elle soit extraordinaire ou non. Ceux qui liront, comprendront. » Il va sans dire que la mise à l’index n’intervint qu’après la mort du Souverain Pontife et qu’elle ne fit pas l’unanimité [9]. La seconde contradiction vient de l’ignorance où l’œuvre fut longtemps cantonnée, officiellement considérée comme « une vie romancée de Jésus ». Pourtant pas moins de trois recteurs d’universités pontificales [10] attestèrent de la valeur dogmatique et exégétique de ces écrits. Deux saints et deux bienheureux en recommandèrent la lecture[11]. Mère Teresa l’emmenait dans ses déplacements avec sa Bible et son bréviaire [12]. L’Église du Kerala, en Inde, salua unanimement la traduction de l’œuvre en sa langue [13] et les évêques chinois appelèrent à poursuivre la traduction dans la leur [14]. En effet, à l’usage, on s’aperçoit de la puissance de cette révélation privée sur ses lecteurs qui redécouvrent ainsi la beauté de l’Évangile éternel, retournent à Dieu, voire même se convertissent.

Peut-on redécouvrir l’Évangile à l’occasion d’une révélation privée ? Oui, c’est même fait pour cela dit l’Église dans son Catéchisme : « Le rôle des révélations privées, même reconnues, n’est pas "d’améliorer" ou de "compléter" la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire » (CEC, § 67). Même si elles n’appartiennent pas au dépôt de la Foi, elles ne doivent en aucun cas être dépréciées (le cardinal Ratzinger au sujet de Fatima [15]) ni méprisées, dit saint Paul qui enjoint de les examiner pour les discerner et en garder le meilleur [16].

Que peut donc apporter de telles révélations privées, et notamment les visions de Maria Valtorta ?
1 - D’abord et principalement la confirmation de l’Évangile éternel tel qu’il nous est transmis par la tradition. Les écrits de Maria Valtorta balayent toutes les hypothèses hostiles qui, sous couvert de rectitude scientifique, veulent en faire une révélation manipulée, dégénérée, affabulée ou incomplète [17].
2 - Ils les balayent non par le recours à l’autorité du Magistère, que l’incroyance conteste, mais par l’arme même qui sert à l’attaquer : l’approche scientifique. Désormais, avec l’accès collectif aux ressources en ligne, tout peut se vérifier et se vérifier par tous. Dans les dernières années, plusieurs études ont été publiées [18], mettant à jour des connaissances surprenantes des récits de Maria Valtorta dans des domaines aussi divers que l’archéologie, l’histoire, la géographie, la géologie, la botanique, la zoologie, la chronologie, les us et coutumes, etc. L’humble Maria Valtorta, grabataire, ne pouvait disposer, en aucun cas, de toutes ces connaissances rares vérifiées sur 12 000 données de l’œuvre.
3 - La mise en situation du lecteur qui devient un disciple parmi les disciples : il est pèlerin, à travers le temps et l’espace, à la suite de Jésus. La lecture, pourtant longue (5 000 pages en dix volumes) se fait captivante : l’œuvre se lit et se relit, sans épuisement.
4 - Un éclaircissement sur des points qui semblent contradictoires ou obscurs, mais qui ne le sont pas : dans Maria Valtorta, les récits de l’Évangile sont tous d’une simplicité évangélique. De multiples exemples peuvent illustrer ce propos. On se reportera avec profit à l’épisode de la Cananéenne dans lequel Jésus fait montre, dans l’Évangile, d’une dureté qui n’a rien à voir avec le reste de son attitude [19]. L’explication est lumineuse et riche d’enseignements dans Maria Valtorta [20].
5 - Une restauration de l’Évangile authentique écorné parfois par le temps et de multiples traductions qui actualisent le texte initial au point que plusieurs versions sont nécessaires pour restituer la lumière primitive des textes. Il en est ainsi du « sabbat second premier » (Luc VI, 1) que mentionne la Vulgate, mais qui a disparu des bibles contemporaines, mises à part les bibles protestantes qui n’en explicitent pas le sens, si évident dans Maria Valtorta [21].

L’invitation à lire. Jésus révèle à un mystique, Don Michelini [22], que l’œuvre de Maria Valtorta est appelée à un grand avenir dans « l’Église renouvelée ». L’exemple des saints qui s’en nourrirent, démontre qu’on ne peut prendre cette prophétie à la légère. Il n’y a pas d’obligation à ouvrir la première page de cette œuvre, seulement une invitation, celle d’un Pape qui refermait la vie de Jésus de Maria Valtorta en concluant : « Qui lira, comprendra. »

[1]                Catéchèse du 28 janvier 1949, Quadernetti, inédits en français.
[2]                Cahiers, notes du 10 février 1946.
[3]                Publiées dans la série des trois Cahiers, du Livre d’Azarias et dans les Leçons sur l’épître de saint Paul aux romains.
[4]                Ce titre s’est substitué au titre primitif des éditeurs : Le Poème de l’Homme-Dieu. Il n’y a plus que l’édition allemande qui conserve l’ancien titre : Der Gottmensch.
[5]                Décret du 16 décembre 1959, publié dans L’Osservatore romano du 6 janvier 1960.
[6]                Décret du 6 mars 1959.
[7]                Cardinal Giacomo Lercaro, archevêque de Bologne dans son allocution du 8 décembre 1968. Rapporté dans Luigi Peroni, Padre Pio, le saint François du XXe siècle, page 175.
[8]                Audience du 26 février 1948.
[9]                Décembre 1960 : entretien du Père Berti avec le Père Marc Giraudo, commissaire du Saint-Office. La condamnation datait de l’année précédente.
[10]              Mgr Ugo Lattanzzi, doyen de l’université pontificale du Latran ; le Père Auguste Bea, recteur de l’institut biblique pontifical et confesseur de Pie XII ; Le père Gabriel Roschini, fondateur de l’université pontificale mariale Marianum.
[11]              Padre Pio, Mère Teresa, Père Gabriele Allegra, Mère Maria Inès du Très Saint-Sacrement.
[12]              Témoignage du Père Leo Maasburg.
[13]              Lettre du Cardinal Anthony Padiyara (1992) et des évêques du Kerala.
[14]              Site du Vatican : préparation du synode d’octobre 2008, 12ème assemblée ordinaire, note n° 9.
[15]              Site du Vatican : Commentaire théologique sur le 3ème secret de Fatima, 26 juin 2000.
[16]              1 Thessaloniciens V, 19-21.
[17]              Voir « L’Adieu à l’œuvre », EMV, Tome 10, chapitre 652 (ancienne édition : Tome 10, chapitre 38).
[18]              Pour la seule recherche francophone, voir les ouvrages de Jean Aulagnier, Père Yannik Bonnet, Jean-Marcel Gaudreault, Mgr René Laurentin et Jean-François Lavère. D’autres travaux sont inédits. La revue Chrétiens Magazine fait régulièrement le point sur divers travaux touchant Maria Valtorta.
[19]              Cf. Matthieu XV, 21-28 et Marc VII, 24-30.
[20]              EMV, Tome 5, chapitre 331 (ancienne édition : Tome 5, chapitre 19).
[21]              EMV, Tome 3, chapitre 217, (ancienne édition : Tome 3, chapitre 79).
[22]              Confidences de Jésus à ses prêtres et à ses fidèles, éditions du Parvis, 1990, dictée du 19 septembre 1975.

F.M.D.

site de François-Michel : www.maria-valtorta.org

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